Chère lectrice, cher lecteur,
Cette édition de « Justice – Justiz – Giustizia » n’est pas placée sous un thème dominant, mais elle offre un riche éventail de contributions et donne une place à l’actualité.
On citera en premier lieu la contribution de Madame la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga et celle de Yann Grandjean. Tous deux abordent une question essentielle et traitée de façon récurrente dans notre Revue : la position institutionnelle du juge dans ses rapports avec les autres pouvoirs.
Lors de la journée des Juges 2012 à Lucerne, Madame Simonetta Sommaruga a mis en relief le rôle politique des juges, au sens large du terme. En s’appuyant sur quelques décisions du Tribunal fédéral, l’illustre conférencière montre l’impact de ces arrêts sur les organes législatif et exécutif de la Confédération et leurs effets dans la modification de la loi.
Yann Grandjean, Assistant diplômé à l’Université de Fribourg, résume pour la Revue son article paru dans les cahiers de l’IDHEAP sous le titre : « Le rôle du juge dans le cycle des politiques publiques ». Il se demande si le rôle du juge se borne à l’application de la loi ou si son pouvoir est plus normatif, donc plus politique ? Pour l’auteur, la réponse n’est pas tranchée. Il démontre par quelques exemples tirés de la jurisprudence que le juge, par son pouvoir d’interpréter la loi et partant d’orienter son application, participe au processus normatif et donc à la mise en œuvre des politiques publiques. Ce rôle demeure « micropolitique », donc modeste ; il dépend cependant beaucoup de la force de conviction et de la cohérence de ses décisions.
Parmi les autres contributions, il faut relever celles très complètes et documentées des Professeurs Arnold Marti et Wolfgang Ernst sur le thème de la manière dont une cour composée de plusieurs juges prononce et communique ses décisions lorsque les opinions ne sont pas unanimes et en particulier sur la question controversée de la « dissenting opinion ». Le Professeur Ernst trace notamment l’historique de la question et compare les solutions données dans les droits de tradition européenne et anglo-saxonne. Quant à Arnold Marti, invité à parler lors de la Journée des Juges à Lucerne en 2011, il plaide pour l’introduction de ce système dans notre système juridique.
On reste dans le domaine de l’influence du juge sur le processus politique avec l’article du Conseiller national Kurt Fluri. Il décrit les tribulations du projet très controversé de juridiction constitutionnelle que d’aucuns veulent attribuer au Tribunal fédéral. L’auteur penche pour l’attribution de cette compétence au Tribunal fédéral, qui emporterait l’abrogation de l’article 190 Cst. Il montre aussi quelques solutions au conflit surgi sur ce point entre les Chambres fédérales, qui fait l’objet de débats lors de l’actuelle session d’hiver.
Si de façon générale, les juges sont habitués à travailler de façon isolée, les choses changent. Cela est décrit par Daniela Winkler, collaboratrice scientifique au Centre de compétences pour le Management public à l’Université de Berne, et Matthias Stein-Wigger, Président du Tribunal civil de Bâle-Ville. La première fait un compte-rendu de la conférence annuelle 2012 du Groupe Européen pour l’administration publique (EGPA) qui visait à promouvoir l’échange d’informations dans le domaine de la Justice, en particulier en matière de communication et de management des tribunaux. Le second montre que dans notre pays les juges, depuis l’unification des procédures civile et pénale, se mettent à échanger leurs expériences. Ils y sont aidés par l’initiative conjointe de l’ASM, de la Fondation par la formation continue des juges suisses, de l’Académie des juges et de l’Association des juges de Suisse centrale, en vue de mettre sur pied des programmes de visites réciproques comprenant notamment l’application des nouveaux codes, les moyens mis à la disposition des tribunaux et les techniques de communication.
L’affaire dite de « Open Justitia », le logiciel que le Tribunal fédéral a développé et veut mettre à la disposition d’autres tribunaux, donne lieu à polémique. Quelques articles des médias repris dans la présente édition de la Revue donnent une idée du conflit dont les échos se propagent jusqu’au Parlement fédéral.
Pour finir, l’édition actuelle fait, comme toujours, le tour des nouveautés, des Personalia des cantons, ainsi que de quelques comptes-rendus d’ouvrages publiés.